- TUJUE
- TUJUETUJUE [T’OU-KIUE]Confédération de tribus nomades d’origine prototurque qui, venant de l’Altaï, a succédé en Asie centrale, à partir du milieu du VIe siècle, à l’empire Ruanruan. Elle est désignée communément, dans les travaux occidentaux, par son nom chinois de Tujue, plutôt que par son nom autochtone de Türk, afin d’éviter la confusion avec le terme ethnique générique de Turc. Sa puissance, fondée par le kaghan Bumin (mort prématurément peu après sa victoire sur les Ruanruan en 552), se scinde aussitôt en deux empires. Le kh nat oriental, localisé dans la Mongolie actuelle, a son centre dans la vallée de l’Orkhon, berceau traditionnel des empires nomades turco-mongols; son initiateur, le kaghan Muhan, dont le règne se situe entre 553 et 572, fils de Bumin, défait les Kitan à l’est et les Kirghiz au nord. Le kh nat occidental, créé par le frère de Bumin, Ištemi, s’étend sur le territoire de l’actuel Turkestan oriental, d’abord jusqu’aux vallées du face="EU Caron" アu (ou Zhu) et de l’Ili, puis, après le partage de l’empire hephtalite (560) avec les Perses, jusqu’à l’Amou-Daria (ancien Oxus). Dès lors, les Tujue contrôlent la fameuse route de la soie, qui relie les Chinois au monde occidental; en contact avec la Chine comme avec la Perse et surtout Byzance, ils jouent alors un rôle économique, politique et culturel considérable. Mais la Chine, retrouvant avec les Sui et les Tang son unité, revient à son rêve d’hégémonie en Asie centrale et, dans la première moitié du VIIe siècle, affaiblit par les armes ou désunit par les intrigues les kh nats tujue afin d’établir son protectorat sur la vallée du Tarim. Vers 680, les Tujue retrouvent leur indépendance et leur prospérité pour un demi-siècle encore, avant leur disparition finale en 744 aux mains des Ouïgours.Pour la première fois, l’histoire des steppes s’éclaire d’un faisceau de sources convergentes, sinon concordantes, occidentales et orientales (chinoises, grecques, sogdienne, arabes), et surtout autochtones: les plus anciens monuments écrits des nomades d’Asie centrale, les premiers témoignages directs de la langue turque remontent, en effet, à la renaissance du kh nat tujue dans la première moitié du VIIIe siècle, sous forme de stèles gravées d’une écriture runique. Ainsi, à proximité d’Ulan-Bator, une stèle en l’honneur de Tonyuquq, beau-père et ministre de Bilge-kaghan (716-734); à Košo-Tsaisam, en Mongolie, la stèle de Kültegin, le jeune frère de Bilge-kaghan, mort en 731. Ces inscriptions de l’Orkhon, ainsi qu’on les dénomme globalement depuis leur découverte et leur déchiffrement à la fin du XIXe siècle par les Russes N. M. Iadrintsev et V. V. Radlov (1837-1918), et le Finlandais d’origine danoise V. Thomsen (1842-1927), sont rédigées en turc ancien, langue essentielle au comparatisme altaïque. Elles ouvrent aussi des aperçus saisissants sur la structure interne des Tujue, leur vie sociale, leurs croyances en un «ciel bleu éternel» tutélaire de leur race. Leurs tombes, telle la tombe de la région minière de Nalaikh au sud-est d’Ulan-Bator, révèlent le haut niveau de leur métallurgie et de leur culture matérielle.
Encyclopédie Universelle. 2012.